Le saviez vous?
Le cuir est un matériau hygroscopique, c’est à dire que son dimensionnel varie en fonction des conditions d’humidité (hygrométrie) et de température. Si vous coupez une pièce cuir sous 50% d’Humidité Relative et qu’ensuite vous la stockez dans une atmosphère à 80%HR son dimensionnel sera plus grand, à l’inverse si vous la stockez sous 30%HR il sera plus petit. Il en est de même pour la température , chauffez le cuir au Leister ou décapeur thermique et il rétrécira.
Ne pas en tenir compte lors du développement d’un produit c’est s’exposer à avoir un problème de qualité perçue appelé » flottement cuir » (à ne pas confondre avec l’aspect obtenu dans le cas d’un « pochage cuir » qui résulte d’un allongement mécanique des fibres du cuir et qui fera l’objet d’un autre article).
J’ai pu constater que pour le cas des cuirs automobiles ce dimensionnel pouvait varier de 0,5% à 3% (allongements constatés après séjour de 24H en chambre climatique à 30% puis à 80% d’humidité).
Si dans le cas d’un médaillon de siège de 40cm de long, 0,5% génèrera un allongement de 2mm avec un impact pas ou peu visible, par contre dans le cas d’un allongement de 3% vous aurez un dimensionnel plus grand de 12mm et là c’est l’assurance d’obtenir ce que vous pouvez constater sur la photo ci-dessus prise à l’intérieur d’un véhicule neuf en concession. Cet allongement du cuir dépend de nombreux facteurs tels que: le savoir faire du tanneur, le type de tannage (chrome ou végétal), l’origine des peaux, l’épaisseur, la teneur en eau, la zone de prélèvement de la pièce dans la peau, le sens prêtant …. Mais me direz vous , il y a d’autres causes racines au flottement du cuir et c’est exact ; il peut être généré par le non respect des règles métiers lors du développement d’un produit cuir , des gabarits non aboutis, des tolérances de découpe et de confection trop grandes , des problèmes de garnissage ….
Comment faire pour ne pas y être exposé ?
La réponse à cette question n’est pas si simple car elle dépend de vos contraintes : êtes vous décideur dans le choix du tanneur et la qualité du cuir ? Réalisez vous les étapes de transformation des peaux ou achetez vous des pièces découpées ? Maitrisez vous le développement de votre produit ?
En effet, dans de nombreux projets, si vous êtes équipementier, c’est souvent votre client qui vous impose le cuir dont il a négocié qualité et prix avec le tanneur ainsi que la découpe des pièces. Il y a également le cas ou vous ne maitrisez pas le développement et assurez seulement la confection.
Dans tous les cas de figures , ce que je recommande en premier lieu c’est de procéder à une vérification des propriétés hygroscopiques de votre cuir en le testant en chambre climatique. A l’issu de ce test vous aurez une parfaite connaissance des capacités de retrait et d’allongement de votre cuir ce qui vous permettra de mettre en oeuvre un plan d’action approprié. En le réalisant pour chaque type de cuir que vous utilisez , vous vous constituerez une base de données qui pourra être utilisée par vos équipes RAO et d’Ingénierie afin d’intégrer dès le début d’un projet, des règles métiers (modification du style par exemple) ainsi que les surcouts engendrés par les solutions à mettre en oeuvre pour éviter le flottement. Certes certains diront que je rêve et que ça ne se fera pas et ils auront en partie raison. D’autres acquiesceront car ils le pratiquent déjà.
Pourquoi un constructeur automobile achète t’il un cuir qui va générer un problème qualité ?
Et bien tout simplement parce que parfois il ne le sait pas , en tout cas pour un nouveau tanneur ou nouveau type de cuir . En effet les tests de variations dimensionnelles des CDC cuir ne permettent pas de mettre en évidence la problématique du flottement telle que je l’ai fait au travers de mon protocole de mesure des allongements. Par conséquent les équipes projets vont subir le médiocre comportement du cuir et devront apporter des solutions dans l’urgence pour améliorer la qualité perçue.
Plusieurs constructeurs, ayant eu de très gros problèmes qualité dus au flottement cuir par le passé , ont intégré depuis dans leurs exigences un test de leurs produits finis en chambre climatique sous atmosphère très humide . Si à l’issu de ce test il y a présence de flottement non acceptable par le service qualité alors ils demandent la mise en oeuvre d’un plan d’action correctif. Plutôt que d’anticiper ils préfèrent corriger avec les conséquences de planning que vous pouvez imaginer, et dans le plan d’action correctif il y a très rarement la remise en cause du cuir. Pourquoi ? Et bien force est de constater que les tanneurs à même de pouvoir produire des cuirs de très bonne qualité ne sont pas légion et leurs productions ne permettent pas de couvrir tous les besoins des constructeurs , de plus le prix de ces cuirs est souvent très élevé, alors les acheteurs ayant des impératifs de coût approvisionnent des qualités inférieures en prenant le risque de renchérir le produit avec des correctifs qui seront couteux cependant ils n’ont pas souvent le choix.